L’époque que nous vivons[mois de mai 2019]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

L’époque que nous vivons[mois de mai 2019]

Le nom de la nouvelle ère « Reiwa » a été rendu public le 1er avril. Celle-ci débutera prochainement. Tandis que nombre de personnes placent leur espoir dans ce changement d’ère, certains se montrent partisans de l’écriture exclusive de l’ère chrétienne sur le calendrier. La diversité des idées est tout-à-fait bienvenue et il faut toujours essayer de comprendre ce que les autres disent, mais je m’oppose fermement à l’écriture exclusive de l’ère chrétienne sur le calendrier. Dans le Japon d’aujourd’hui, chaque fois qu’un nouvel empereur accède au trône, une nouvelle ère est décrétée. C’est une tradition propre au Japon. Dans notre vie, il y a des choses qui changent, qu’il faut changer et qu’on ne devrait pas changer. La constance n’exclut pas un changement progressif. On peut qualifier celui-ci de développement. Dans une culture traditionnelle comme le Sâdô, qui a plus de cinq cents ans derrière elle, sont nés différents styles et différentes formes. L’esprit d’invention en est une illustration. Les héritiers de la culture traditionnelle doivent garder présent à l’esprit que la tradition est une succession de rénovations. Je me réjouis de constater que nombre de mes compatriotes soient favorables au nom de la nouvelle ère.


On a beau crier haut et fort l’importance de ce qui nous est propre, ce qui se passe est le contraire de ce qui est préconisé. Certes, l’expression « standard global » tant prisée commence à perdre de son éclat, on assiste à une époque de ‘sans billets’, ‘sans argent liquide’, ‘sans genres’ et ‘sans frontières’. Il ne faudrait pas faire un jugement hasardeux sur ces phénomènes, mais dans un sens, ceux-ci contribueraient à une perte de la personnalité. Par exemple, en ce qui concerne les billets de banque, chacun avait sa propre façon de les ranger dans son portefeuille : parmi ceux qui les rangent pliés, il y en a qui les plient en deux et il y en a d’autres qui les plient en quatre. Tout cela a l’air futile, mais la personnalité de chacun y apparait. Lors du nouvel an, dire à nos enfants : « J’ai viré les étrennes » ne ferait pas un plaisir. Et, l’autre jour, je me suis interrogé sur le phénomène « sans frontières » à l’occasion de l’Oscar, la manifestation cinématographique la plus importante. Le prix du réalisateur a été décerné à celui qui a fait un film dit ‘netflix’, c’est-à-dire un film qui passe seulement sur la Toile. Personnellement, j’ai été beaucoup touché par le fait qu’un film qui n’est pas joué en salle de cinéma ait eu un prix.


Ainsi, beaucoup de choses se passent au monde. C’est à chacun de nous de décider de s’adapter ou non aux nouveautés. Avant de terminer cet article, je fais une confidence : je suis un bon usager de l’ « I phone ». Mais dans mon cœur, je m’oppose à ce que tout le monde utilise le même design.