La perfection est un manque[mois de septembre 2018]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

La perfection est un manque[mois de septembre 2018]

Le mois de septembre est évocateur de la pleine lune du huitème mois lunaire et de la fête du 9 septembe du calendrier lunaire. Qu’en sera-il cette année? Au moment où j’écris cet article -je suis encore en juillet-, la chaleur bat son plein.

Il parait que, cette année, le nombre de ceux qui sont morts des suites d’un coup de chaleur est le plus important dans l’histoire. Les informations médiatiques nous présentent différents moyens de lutte contre le coup de chaleur. Mais ce qui importe en détinitive, c’est qu’il nous faut prendre soin de notre propre santé. Et chacun doit prendre conscience du fait qu’une chaleur comme celle de cette année dépasse largement notre savoir.

Cela va de même pour les catastrophes naturelles si nombreuses cette année. Nous avons tendance à ne pas regarder les choses avec réalisme et à se dire par exemple: gAvec cette pluie, on est encore en sécuritéh. Eh bien, il nous importe désormais d’évaluer la situation avec pertinence. Ces derniers temps, je parle souvent de catastrophes naturelles dans cette tribune et constate que le climat a radicalement changé.

J’ai évoqué tout-à-l’heure le pleine lune du huitième mois lunaire. Il s’agit de la lune qu’on voit le 15 août du calendrier lunaire. On dit souvent que la coutume d’apprécier la beauté de cette pleine lune vient de Chine à l’époque de Heian. Mais je ne pense pas que ce soit aussi simple que cela. Evidemment, il y a d’innombrables poèmes faits à cette époque et qui évoquent cette beauté. Mais ce n’est pas seulement sous l’influence chinoise qu’ils furent réalisés. Je pense qu’ils trouvent leurs racines aux rapports profonds que les Japonais entretenaient avec la nature depuis la nuit des temps. Au Japon, on a l’habitude aussi d’apprécier la lune du 13 septembre que l’on nomme gla lune ultérieureh. En fait de poésie sur la lune, notre fondateur Kobori Enshû réalisa d’innombrables poèmes évoquant la lune du 15 août et celle du 13 septembre. Par ailleurs, il donna des noms tels que gHirosawa’’ ou gGeppakuh évocateurs de la lune à certaines boites à thé qu’il découvrit et qu’il inscrit dans sa liste de gchuko-no-meibutsuh. Et l’un des enseignements qu’il nous laissa est ‘la perfection est un manque’.

Il s’agit de la sensibilité de ce père fondateur qui apprécie la vitalité de la lune qui va se perfectionner et qu’on voit la veille de la pleine lune qui entrera en décours le lendemain. Cette pensée nous met en garde également contre l’arrogance que nous risquons d’avoir après avoir atteint la perfection. Elle nous apprend que nous devons toujours garder notre modestie et penser aux autres et que s’il y a quelque chose qui manque, il faut le compléter. Je voudrais passer la dernière moitié de l’année avec cette maxime.