Dans le froid[mois de mars 2018]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

Dans le froid[mois de mars 2018]

Cela fait longtemps que l’on n’a pas eu un hiver et un nouvel an aussi froids. Il parait que les Japonais de moins de quarante ans n’ont jamais connu un mois de janvier et un mois de février aussi vigoureux. J’ai l’impression que l’écart de température entre l’extérieur et l’intérieur de la maison n’est pas étranger à ce froid ressenti par un bonne partie de la population. En effet, les habitations d’aujourd’hui sont tellement hermétiques qu’elles ne reçoivent plus de vent coulis comme c’était le cas naguère. Si bien que, dehors, le froid devient insupportable. Mais le problème des habitations modernes est qu’il y manque parfois d’oxygène et que, pour éviter de suffoquer, il faut ouvrir les fenêtres de temps en temps. Personnellement, je suis frileux et n’aime pas ouvrir les fenêtres de mon salon de thé. Mais je suis obligé de le faire dans certaines circonstances.

Autrefois, le chauffage tel que l’on entend aujourd’hui n’existait point. De plus, les maisons anciennes, avec le vieillissement, commençaient à subir des dommages au niveau des ‘shoji’ et ‘fusuma’ (portes coulissantes), ce qui faisait que l’on avait du courant d’air un peu partout.

Je me souviens qu’il y a environ quarante ans, lorsque je me suis rendu en plein hiver à la maison du maitre de mon père en peinture japonaise, je n’ai trouvé qu’un ‘hibachi’ (brasero au charbon de bois) dans une pièce de huit tatamis. Et les charbons étaient peu nombreux… J’ai fait plusieurs visites chez ce maitre, mais chaque fois, il n’y faisait jamais bon. On retrouvait cette insuffisance du chauffage un peu partout. Je prends l’exemple du temple Zen Keitoku-in où j’ai fait mon stage en internat. L’espace de vie qui m’était réservé était un salon de thé de quatre et demi tatamis. Lorsque je m’entrainais à la cérémonie du thé, je mettais des charbons dans le ‘ro’, mais en temps normal, il n’y avait absolument aucun chauffage. En plus, cette pièce se situait dans le nord du temple, si bien qu’elle n’était jamais ensoleillée. Vous imaginerez facilement le degré de froid que je ressentais. J’asseyais de vaincre ce froid en mettant des journaux entre mon pull-over épais et le sous-vêtement. Par rapport à l’époque que je viens d’évoquer, nous avons un confort mille fois meilleur.

En janvier, la ville de Tokyo a été frappée par d’importantes chutes de neige. Cela faisait longtemps que les Tokyoïtes n’avaient pas reçu un tel cadeau blanc. Les voies de communication ayant été coupées, la vulnérabilité de la capitale à la neige a été démontrée une fois de plus. Mais on peut penser que c’est une expérience enrichissante : ceux qui n’ont jamais fait de déblaiement de la neige auront compris combien cette besogne est pénible. Tout ce qui se passe autour de nous est source d’enrichissement.