Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Aimons l’entre-deux de saisons ![Novembre 2017]
Comme chaque année, l’entre-deux de l’été et de l’automne est passé très vite. Du coup, dans mon pavillon de thé, j’ai installé un ‘furo’ de fer dont la présence est bien indiquée pour la saison qui arrive. Avec un ‘furo’ de fer, de la cendre en forme d’herbe va le mieux. On ne connait pas l’origine de ce rite, mais cette forme semble bien représenter la progression de l’automne. La beauté d’un brasier que l’on voit de l’autre côté d’une tuile plate en forme de croissant et la forme de la cendre qui englobe tous ces éléments vont très bien ensemble. Le choix d’un ‘furo’ de fer du type ‘yatsuré’ ne s’impose pas nécessairement, mais en tout cas, il conviendrait de faire appel à un matériel quelque peu sobre.
Sous un ‘furo’ de fer, on préfère installer souvent une tuile plate au lieu d’une planchette. En particulier, les tuiles plates du type Oribé appelées ‘Suishoan’ sont très prisées. Le pichet que l’on pose à gauche du ‘furo’ est souvent un pichet mince du type Bizen. On voit parfois des pichets du type Shiragaki et du type Kotakatori. Je suis parfois frappé par le fait qu’il y ait autant de pichets qui aillent bien avec la cérémonie du thé du type « Nakaoki » que nous organisons à cette saison. Celle-ci consiste à installer le ‘furo’ au centre du salon de thé pour faire bénéficier de la chaleur aux invités. Il semble qu’à l’époque où vivait Enshû, beaucoup de pichets minces aient été fabriqués pour être utilisés dans la cérémonie du thé du type « Nakaoki ». C’est pourquoi, au moins en ce qui concerne l’école Enshû, nous héritons de notre père fondateur la cérémonie du thé du type « Nakaoki ».
Ceux qui pratiquent quotidiennement l’art de thé ont tendance à ne pas se rendre compte de l’intérêt que revêt le fait que se déroule la cérémonie du thé avec les mêmes gestes, les mêmes matériels et la même disposition de ceux-ci. Il ne s’agit pas de préserver ce qui est déjà établi de longue date, mais de songer à l’esprit avec lequel nos pionniers conçurent ce type de cérémonie. La recherche de cet esprit permettra d’actualiser un rite vieux de quatre cents ans.
A cette saison qui marque le passage de l’été à l’automne, on fait appel parfois à un kakemono où figure une lettre. Dans une lettre écrite à cette période de l’année, l’expéditeur rend compte souvent à son destinataire du sentiment qu’il éprouve devant cette évolution saisonnière et demande des nouvelles à celui-ci. Ce genre de lettre est donc bien indiqué pour une cérémonie du thé organisée dans l’entre-deux de saisons. Si vous lisez mon dernier livre « les lettres de Kobori Enshû, nouvelle édition », vous comprendrez combien notre père fondateur était prévenant à l’égard des autres et que le cœur des hommes reste inchangé.
Vivre avec l’art de thé ne se limite pas à des entrainements quotidiens. C’est d’être sensible à tous les mouvements de l’esprit. Tel est le message que je vous adresse aujourd’hui.