Le temps[Juin 2016]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

Le temps[Juin 2016]

Comme vous devez le savoir, j’ai commémoré le soixantième anniversaire de ma naissance. Alors que, dès les premières cérémonies du nouvel an, je m’étais fixé pour objectif de cette année de marquer une nouvelle étape dans ma vie professionnelle, la première moitié de l’année s’est très vite écoulée. En matière de temps, chacun a sa propre sensation. En ce qui me concerne, le temps a passé très vite. Je pourrais me consoler en pensant que ce temps écoulé était riche en activités. Mais, d’un autre côté, j’ai un brin de regret en songeant à ce que j’aurais pu faire si je m’étais arrangé autrement.

Dans notre société moderne, la vitesse est la priorité des priorités. Dans cet univers informatisé, nous recueillons nos informations moins à travers les journaux, les livres et la télévision que par la voie du téléphone portable ou de la tablette. Et un bon nombre de personnes croient à ce qui y circule. Autrefois, on se donnait la peine de consulter un dictionnaire ou de se référer à un classique… Bref, tout demandait un certain temps.

Que la recherche d’une information demande du temps est en fait précieux. Je veux dire par là qu’en cours de recherche, on a le temps d’approfondir sa propre réflexion en la matière qui permettrait de dégager de nouvelles idées qui seraient différentes de celles qu’offrent l’internet. Or, si l’on se réfère uniquement à la Toile, celle-ci nous donne tout de suite une réponse. On n’a pas le temps d’examiner si celle-ci est bonne ou non. Et à partir de là, on ajoute ses propres idées à cette réponse rapidement donnée dont l’authenticité n’était pas vérifiée.

J’avoue que moi-même, j’ai recours de temps en temps à cette méthode. Mais, je suis convaincu que l’épaisseur d’un livre correspond à la profondeur de la connaissance et la longueur du temps à la richesse des fruits que porte la recherche effectuée. Ce qui veut dire que le temps court n’est pas forcément bonne chose. Celui-ci pourrait signifier « peu profond ». Enfin, tout cela dépend des personnes.

En matière de temps, je voudrais évoquer un autre point. Même si je suis vraiment débordé, une fois que je m’installe dans un salon pour offrir du thé, je me sens tout de suite libre du temps. Il s’agit là d’une des caractéristique de l’art de thé. Lorsque je préside une cérémonie du thé, je n’ai pas d’autre désir que celui de me faire entendre dire que le thé servi était bon. Si je me concentre sur ce point, je ne suis jamais distrait par rien. Convaincu que telle est la quintessence de l’art de the, je poursuivrai le chemin de celui-ci.

Je ne pourrai pas terminer cet article sans rendre homme aux victimes des séismes qui ont frappé et qui frappent encore les régions de Kumamoto et d’Oita.