Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Aller au-delà de l’illumination [Février 2015]
Je renouvelle mes voeux de bonheur et de prospérité pour l’année du mouton.
La première séance d’entraînement de cette année à la cérémonie du thé a réuni plus de visiteurs que les autres années. Je saisis cette occasion pour vous en remercier.
Chaque année, lors des premières cérémonies du thé, je mets un kakemono Zen dont la phrase représente l’objectif que je m’assigne pour l’année qui débute. Cette fois-ci, j’ai mis un kakemono fait par le moine Takuwan Soho, 153e responsable du temple Daitokuji, qui fut un grand ami de Kobori Enshû. Ce dernier kakemono dit :
‘Multitude de barrières passées, bleu(illumination ou vérité absolue)atteint, ne restons pas là’.
Ma lecture de cette phrase est la suivante : ‘multitude de barrières passées’ veut dire ‘toutes les difficultées sont surmontées’ ; de cette situation naiît la tranquilité d’esprit ou le nirvâna (vérité absolue ou illumination) ; cet état d’esprit est représenté par ‘bleu’(du ciel) ; il ne faut pas en rester là, il faut aller au-delà.
Chacun d’entre nous a son caractère et sa personnalité. En vivant dans la société, il fait face à lui-même et s’affronte à un travail ou à des études. Et il s’assigne un objectif à atteindre à des périodes données de sa vie. Parfois, il rencontre des difficultés sur ce chemin. Mais, une fois arrivé au bout du chemin, il ne faut pas en rester là. Tel est le sens de la phrase ‘il faut aller au-delà du ‘bleu’ (illumination ou vérité absolue).
Cette phrase lapidaire montre très bien le point faible de l’homme. Une fois que celui-ci a trouvé une position où il se sente bien dans sa peau, il n’a plus envie d’en sortir. Et pourtant, au fil du temps, l’homme lui-même et l’univers dans lequel celui-ci vit évoluant, il se sent mécontent de sa situation. C’est pourquoi il est important que nous gardions une curiosité pour tout et une envie de tenter de nouvelles choses.
Dans l’univers de thé, nous appelons cela « l’esprit d’innovation », une notion très chère aux praticiens de la cérémonie du thé.
A propos du thème de poème ‘Hon’ donné par l’empereur que j’ai évoqué le mois dernier, j’ai écrit un poème le matin du 1er janvier. Et j’ai fait de ce poème le nom de la cuiller de bambou que j’ai préparée à l’occasion du nouvel an.
Poème : ‘la joie de parcourir le chemin du thé est de trouver l’esprit innovant et de se référer au fondement’.