Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
“Here’s looking at you, kid”[Novembre 2014]
Alors que l’automne s’affirme ces derniers temps, il y a tout de même des jours où la température monte jusqu’à 27 ou 28 degrés. Depuis quelque temps, dans notre pays, les hommes, à l’instar des femmes, portent une tenue légère (sans cravate, ni parfois sans veste) pendant la période estivale. Et reprenant la tenue normale avec cravate et veste, ils souffrent d’une telle température. C’est ce qui m’est arrivé. J’ai eu le sentiment que, une fois habitué à un confort tel que celui offert par la tenue légère évoquée ci-dessus, il nous est difficile de nous en défaire.
Certains d’entre vous ont sans doute le sentiment que bien des choses ont changé avec le temps dans votre vie quotidienne. Dans mon cas, lorsque j’étaits écolier, sur mon chemin de retour de l’école, dans un quartier commerçant, des patrons ou patronnes de magasins m’appelaient. Et, moi, même si je ne m’arrêtais pas, je leur répondais par un petit signe de salut. A l’époque, il y avait dans ce quartier un magasin de poissons tropicaux que j’aimais bien. Une fois par semaine, je me postais devant ce magasin et regardait des aquariums pendant quelques minutes.
Il y avait un autre magasin qui m’intriguait, une quincaillerie. Soit dit en passant, ce commerce est pratiquement disparu en tant que tel. Dans cette quincaillerie, on trouvait des vis diveres, cies, pelles ou papier de verre. Le quincailler ne souriait jamais, mais il me disait parfois « Bonjour » lorsque je venais au rayon de vis. Ce genre d’échange entre patron et client n’existe pratiquement plus.
Cette atomosphère sympatique est encore conservée dans certains quartiers populaires de Tokyo, mais elle existe très peu ailleurs. Je souhaiterais qu’elle soit transmise de génération en génération. Mais quand je me promène en ville, je constate que beaucoup de personnes marchent en regardant leur smartphone ou en écoutant leur baladeur. Dans ces conditions, il me semble que cette transmission est difficile.
Comme depuis quelques mois, j’écris sur le cinéma dans cette colonne, on me demande parfois quelle est mon actrice préférée. C’est incontestablement Ingrid Bergman. Il y a une multitude de raisons pour lesquelles j’adore cette actrice. Je ne peux pas les évoquer toutes ici.
Mais si j’en expose une, c’est que j’aime le film « Casablanca » dans lequel elle a tourné. Ce film fut réalisé en 1942, bien avant ma naissance. Ella y a joué avec Hunphrey Bogard. Soit dit en passant, l’épouse de celui-ci, Lauren Bacall, est disparue en août dernier. Les cinéfiles doivent connaître le sénario de ce film. Ce qui m’a impressionné en particulier, ce sont la beauté gracieuse d’Ingrid Bergman et les paroles de Rick joué par Humphrey Bogard.
J’ai vu ce film plusieurs dizaines de fois et, bien sûr, l’ai enregistré. Malgré cela, chaque fois que la diffusion de ce film est annoncée dans un programme de télévision, je le regarde. L’une des paroles de Rick que je trouve excellente et que j’aime beaucoup est celle que j’ai empruntée pour le titre de mon journal de ce mois-ci.