Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Ce que nous savons déjà et ce que nous ne savons pas encore[août 2014]
Le 24 mai dernier, l’école Yabunouchi a organisé au temple Tachu Sangen-in du monastère Daitokuji de Kyoto une cérémonie célébrant le 400e anniversaire de disparition du grand praticien de thé Furuta Oribe. J’ai eu l’honneur d’y assister. L’ecole Yabunouchi est en effet très liée historiquement à ce feu grand maître de thé. Le jeune maître Joyu de l’ école Yabunouchi a présidé la cérémonie et offert du thé à Oribe. Moi même, je me suis fait offrir un bol de thé avec quelques ustensiles utilisés par Oribe et Kenchu, père fondateur de l’école Yabunouchi. Je présente tous mes voeux de prospérité à cette école.
En août, les Japonais se déplacent beaucoup à l’intérieur comme à l’extérieur du Japon. D’ailleurs, la semaine dorée qui va de la fin avril au début mai offre un spectacle similaire. Les grands départs de mes compatriotes changent souvent l’environnement de mes déplacements que j’effectue tout au long de l’année : je veux parler des conditions de voyage en train et en avion.
En effet, parmi les voyageurs que j’ai à mes côtés, il y en a qui sont agréables bien sûr, mais il y en a d’autres qui ne le sont pas. L’espèce humaine est un animal de l’habitude qui ne veut pas voir son environnement familier affecté par quelque chose. Je pense que ceux qui ont le courage d’affronter une nouveauté ont plus de chances d’enrichir leur vie que ceux qui reculent devant celle-ci.
Je dis souvent à mes disciples qu’afin de faire plaisir aux invités, l’hôte doit retenir deux points. Le premier point est un sentiment de tranquillité offert par quelque chose qu’on sait déjà. Comme je viens de le dire, chacun a un ‘territoire’ qui lui est propre, en d’autres termes, un domaine qui lui est familier. Si bien que, quand on assiste à une cérémonie du thé et qu’on voit en face de soi des ustensiles dont on pensait qu’ils y seraient utilisés, on a une sorte de sentiment de tranquillité : on est dans son assiette.
Le deuxième point est l’inverse du premier : c’est l’émotion suscitée par une surprise. En effet, la découverte d’un ensemble d’ustensiles imprévu peut nous faire grand plaisir. Quand on découvre une nouveauté, on a le sentiment d’avoir gagné quelque chose. Qui plus est, en enrichissant notre sensibilité esthétique, cette nouveauté peut nous émouvoir. On peut dire que beaucoup des éléments culturels japonais sont l’association de ces deux paradigmes.
Ce mois-ci encore, je voudrais parler cinéma. J’ai déjà cité le nom de Kirk Douglas comme mon acteur préféré. Dans le cinéma japonais, je citerai en premier Ichikawa Utaemon, une grande vedette et un grand acteur du drame historique. Si l’on dit que c’est le père de l’acteur Kitaoji Kinya, ce sera plus parlant. J’ai vraiment une prédilection pour Utaemon.
Dans la série de filmes « Hatamoto Taikutsu Otoko » ou « l’officier désoeuvré du Shoguna », Utaemon jouait un rôle absolument réussi. J’ai vu tous les filmes muets et parlants de cette série dont certains à travers la télévision. Dans son rôle, Utaemon portait des habits extrêmement somptueux et jouait très bien son jeu. J’ai vraiment beaucoup aimé cet acteur et je l’aime encore. Son fils, Kinya, est l’un des acteurs ayant le plus de présence. Il doit beaucoup à son père.