La sensation de modération[juillet 2014]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

La sensation de modération[juillet 2014]

Enfin, l’été arrive. Sera-t-il chaud ou peu chaud ? La météo disait qu’il pourrait y avoir un effet d’El Nino. Qu’en sera-t-il vraiment ? Toul le monde souhaite que ce ne soit pas un été caniculaire. D’autre part, un été frais nuirait à la récolte. Il est donc souhaitable que ce soit un été modérément chaud.

En ce qui concerne le mot « modération ou modéré », j’ai retenu quelque chose à la mi-mai en donnant des leçons de thé. De nos jours, avec le réchauffement climatique, la plupart de nos pièces sont dotées d’un climatiseur. Et l’on a tendance à mettre la climatisation pour peu que l’on ait une sensation de chaleur.

Personnellement, je n’aime pas trop la climatisation et ouvre les fenêtres en cas de chaleur. Mais les autres ne sont pas comme moi. Pendant la saison des pollens provoquant des allergies, il vaudrait mieux ne pas ouvrir les fenêtres, certes, mais il faudrait faire venir l’air extérieur pendant la saison de la nouvelle verdure pour sentir la vitalité de la nature.

Même si vous avez un peu chaud, une brise vous ferait du bien. En d’autres termes, c’est parce que vous avez un peu chaud que vous sentirez mieux la sensation de fraîcheur apportée par la brise. Si vous fermez les fenêtres et que vous mettiez la climatisation, l’air arrête son évolution normale et , par voie de conséquence, notre sensibilité se fige.

D’où mon souhait de vous voir sentir la vitalité de la nature en laissant ouvertes les fenêtres jusqu’à l’arrivée de la grande chaleur. La sensation de modération naît de cette façon de vivre et notre pays, bénéficiare de quatre saisons distinctes, favorise cette naissance.

Soit dit en passant, le filme documentaire « Mon père est un grand maître de thé » continue de rencontrer un grand succès dans tout le Japon. J’en suis extrêmement heureux. Dans la colonne du mois précédent, j’ai présenté un épisode sur mes relations avec mon père en matière de cinéma. Je me permettrai d’évoquer encore celles-ci.

J’ai déjà dit dans une de ces colonnes que, lorsque j’étais adolescent, j’étais toujours accompagné par mon père pour aller au cinéma. J’y ai évoqué la raison de cet accompagnement en m’appuyant sur mes conjectures. Et le premier filme que j’ai vu sans être accompagné par mon père était « Au service secret de sa Majesté ». Il s’agissait du 6e filme de la série James Bond. C’était une réalisation de 1969, j’étais alors collégien.

En fait, j’avais vu la 4e édition « Opération Tonnerre » avec mon père. Je me suis passionné pour les armes secrètes utilisées dans le filme. Mon père ne m’a pas emmené à l’édition suivante pour je ne sais quelle raison exactement. Peut-être que la scène d’amour jouée par James Bond et la ‘Bond Girl’ y était quelque chose. Je suppose que c’était plutôt ma mère qui ne l’a pas voulu.

J’étais triste de ne pas pouvoir voir de filmes de James Bond pendant quelque temps. Je regrettais de ne pas voir en particulier le 5e filme, d’autant que la plupart des scènes de celui-ci se passaient au Japon. Etant devenu collégien, j’ai eu un nouvel ami qui était passionné de cinéma. Celui-ci allait au cinéma non pas avec ses parents, mais avec des amis.

C’est ainsi que je suis allé voir le « Au service secret de sa Majesté » avec cet ami. Je me rappelle avoir eu mauvaise conscience et peur de me faire réprimender par mon père. Lorsque je suis rentré chez moi, mon père m’a demandé où j’étais allé. J’ai répondu d’une voix fluette, en baissant les yeux : « Au cinéma ». C’est avec nostalgie que je me souviens de cet épisode.