Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
La première impression[juin 2014]
La première moitié de l’année sera achevée bientôt. Que le temps passe vite ou qu’il ne passe pas vite, cela dépend du sentiment des personnes. Et particulièrement des âges.
Dernièrement, dans une émission de télévision sportive, un joueur de patinage artistique adolescent à qui l’interviewer a posé cette question : « Les prochains JO sont dans quatre ans, c’est très bientôt, n’est-ce pas ? » a répondu : « Mais pour nous, Ҫa a l’air très lointain ». Ҫa m’a fait sourir et je me suis dit « En effet ».
Comme le mois dernier, je me permettrai de parler un peu du cinéma. J’ai déjà écrit que, lorsque j’était petit, j’allais au cinéma systématiquement avec mon père. Et quand on me demande quel était le premier film que j’ai vu avec mon mère, je pense toujours à un certain film. Je ne suis pas sûr que c’était vraiment le premier film, mais il s’appelle « The Way West », un film western de Hollywood réalisé en 1967. J’avais alors douze ans. Je pense que j’étais déjà capable d’échanger avec mon mère en la matière. Le film relate le passage d’ « Oregon Trail », célèbre route par laquelle les aventuriers américains se déplacaient vers l’ouest.
Il s’agit de l’histoire d’un groupe d’un millier de personnes qui, désespérées d’une dépression économique frappant toute la partie est de l’Amérique du nord en 1843, forme un convoi de chariots transportant tous leurs proches pour faire un long déplacement de l’Etat de Missouri vers l’Etat d’Oregon dont on disait qu’il recelait d’importants gisements de ressources. Partis pleins d’espoir, ces Américains rencontrent une multitude de difficultés et connaissent des tensions dans leurs rapports humains, engendrant des inquiétudes et des conflits. C’est une grande pièce dramatique.
La raison pour laquelle ce film reste marqué dans ma mémoire est très largement liée à certains des acteurs. L’acteur principal était Kirk Douglas. C’est une des grandes vedettes hollywoodiennes. Si je le présente comme le père de Michel Douglas, ça passera peut-être mieux pour les jeunes. Dans son masque singulier, ce qui m’impressionnait particulièrement, c’était son creux au menton qui avait l’air d’une fossette. Depuis lors, dans ma conversation avec mon père, « l’acteur avec ce menton » signifiait Kirk Douglas. Et il est devenu mon acteur préféré.
Devenu adulte, j’ai vu un certain nombre de films comme « Gunfight at the O.K. Corral » et « Spartacus » réalisés antérieurement au « The Way West ». Kirk Douglas reste ma vedette préférée et lorsque je l’ai vu, âgé de 94 ans, présenter la meilleure actrice dans un second rôle des Oscars de 2011, faisant des commentaires pleins d’humour, j’en étais ravi.
J’ai l’impression que Kirk jouait souvent un rôle de costaud. C’est peut-être parce que je l’assimillais à l’image de mon père. Soit dit en passant, dans ce « The Way West », deux autres vedettes, Robert Mitchum et Richard Widmark jouaient avec Kirk. Ces acteurs sont également devenus mes vedettes préférées.
Si une personne nous plaît à la première rencontre, souvent cela dure pour une éternité. C’est dire que la première impression est extrêmement importante.