Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
La rencontre avec le cinéma[mai 2014]
Avec le mois de mai, je pense naturellement à cette phrase du fondateur Enshû : « les coucous derrière la nouvelle verdure ». C’est dire que nous assistons enfin à une saison très agréable. C’est aussi une saison où des idées viennent à mon esprit sur la façon de préparer le ‘furo’ et sur le ‘kakemono’ à mettre dans le tokonoma lors des cérémonies du thé à venir.
Le film documentaire intitulé « Mon père est un maître de thé » qu’on passe depuis janvier semble avoir un succès inespéré. On l’a déjà passé à Tokyo, Osaka, Kanazawa, Nagoya et Kyushu. Il sera repassé à Tokyo. Ce dont je me réjouis fortement.
En fait, j’ai toujours aimé le cinéma. Comme ma femme le raconte dans le documentaire, j’ai vu de nombreux films anciens de Hollywood. Je me souviens que, déjà à l’époque où j’étais collégien, au sortir de l’école, je discutais avec mes camarades de la mise en scène de tel ou tel film.
Lorsque je suis allé au cinéma pour la première fois, c’était évidemment avec mon père. Et jusqu’à la fin de la dernière année de scolarité du lycée, lorsque j’allais voir un film, j’étais accompagné systématiquement par mon père. C’était la coutume de l’époque.
Aujourd’hui, qu’un enfant aille au cinéma avec ses camarades ne soulève pas de question. Mais lorsque j’étais petit, la chose ne se passait pas de cette manière.
Avec le recul, j’imagine que l’interdiction faite aux enfants d’aller au cinéma sans accompagnement de majeurs était motivée par le souci de ne pas les laisser mettre les pieds seuls dans un quartir fréquenté. Une autre raison de cette interdiction était peut-être la suivante : à l’époque où il y avait très peu de divertissements, aller au cinéma constituait une « sortie en famille officielle».
Et au sortir de la salle de cinéma, chaque fois, mon père me demandait tout naturellement ce qui m’intéressait le plus dans le film que nous venions de voir. Cela sans exception, que ce soit un film littéraire qu’un film d’action ou western.
Ce rituel m’aura permis de prendre l’habitude de préciser en l’espace de peu de temps ce que j’ai observé. Les conversations sur le cinéma que j’avais avec mon père étaient autrement fort intéressantes que celles, -plutôt sérieuses-, auquelles nous nous livrions sur l’art de thé ou sur ma scolarité.