Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Le calme[Janvier 2014]
Je présente à mes lecteurs tous mes voeux de bonheur et de prospérité pour l’année qui commence.
A l’occasion du nouvel an, je ne fais que souhaiter que 2014 soit une année heureuse pour tous. Pour moi, le nouvel an s’articule autour de deux cérémonies du thé, organisées l’une à Tokyo et l’autre à Fukuoka, pour fêter le début de l’année. Le bilan de ces manifestations sera important en ceci qu’il servira à orienter les activités de l’année.
Et le mois de janvier de cette année aura une nouveauté : le film documentaire intitulé « Mon père est un grand maître de thé » sera projeté en exclusivité. D’habitude, le tournage d’un film documentaire, même s’il s’agit d’un long métrage, ne dure qu’une année. Mais l’on a mis trois ans pour la prise de vues du film documentaire que je viens d’évoquer. Je souhaiterais que nombreux soient ceux qui le voient.
Pour moi, ma maison est certes celle du grand mître de thé, mais elle est aussi un foyer comme les autres où il y a une famille et où il se passe des événements de temps en temps. Cela dit, vue de l’extérieur, ma maison semble entourée d’un mystère et les gens sont curieux de savoir ce qui se passe en coulisses, comment nous vivons et préparons les cérémonies du thé et les activités officielles de l’année. D’où l’idée de réaliser un documentaire.
Comme j’en ai parlé au début de cet article, les premières cérémonies du thé de l’année sont bien indiquées pour faire l’objet d’un tournage. Pourtant, à peine la prise de vues avait-elle commencé que deux événemens majeurs sont survenus, l’un était le grand séisme de Tohoku et l’autre la disparition de mon père. J’ai décidé d’organiser à l’occasion du début de l’année 2012, à la différences des autres années, des céremonies du thé en l’honneur des âmes défuntes et en témoignage de souhait pour la reconstruction. C’est ainsi que l’on a attendu jusqu’en 2013 pour filmer des cérémonies du thé coutumières, donc très animées. Et c’est la raison pour laquelle le tournage a duré aussi longtemps.
Mais cette durée longue a eu ceci de positif que le contenu du film s’en est trouvé très varié. Et je me suis aperçu que mes enfants qui y tournaient, notamment mon fils aîné, évoluaient rapidement au cours du tournage. J’espère que ce filme permettra de voir le rapport des Japonais à la nature et les relations entre parents et enfants au Japon etc, non pas à travers le prisme d’une maison de grand maître, mais comme un condensé de foyer japonais.
Le thème de poème présenté par l’empereur pour cette année est le « calme ». Si le thème de poème de l’année écoulée était « se lever », choisi en témoignage de souhait pour la reconstruction des régions sinistrées par le séisme, celui de cette année est bien indiqué pour que les Japonais ‘se calment’ un peu au milieu de l’enthousiasme suscité par la décision d’attribution des jeux Olympiques et para-Olympiques de 2020 à Tokyo et par la reprise économique dite ‘Abenomics’. Et l’univers de thé incarne justement le calme.
Même dans une cérémonie du thé, le corps est en mouvement tout le temps. Seulement, les actes n’y sont jamais violents. Et ce n’est pas parce que ces actes sont lents qu’ils donnent la sensation de douceur ; c’est parce qu’ils reposent sur la tranquilité de l’esprit. Je souhaite que vous vous entraîniez à l’art de thé tout au long de la nouvelle année pour enrichir votre vie en appréhendant bien ce qu’il y a derrière les actes