Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
La configuration de la cendre[août 2013]
Pour faire chaud, il fait vraiment chaud en ce moment. Alors qu’on est bien dans la saison des pluies, il peut se passer plusieurs jours sans qu’il tombe une seule goutte de pluie et, tout d’un coup, une pluie diluvienne localisée peut nous surprendre. Les irrégularités météorologiques sont désormais monnaie courante. Dans ce contexte, il nous importe de prendre soin de notre santé.
Entre mai et juin, j’ai organisé pendant quelques jours des cérémonies du thé à l’occasion de l’installation du ‘furo’ (bouilloire installée au niveau des tatami). A ce moment-là, nous avons utilisé le ‘unryu furo’ pour la première fois depuis longtemps. L’école Enshu a une façon de faire de la cendre dite ‘unryu bai’ dédiée au ‘unryu furo’.
De manière générale, pendant la saison du ‘furo’, la configuration de la centre dite ‘shin-gyo-sou’ est dédiée au ‘maekaki furo’ et celle dite ‘kakiage furo’ au ‘kiriawase furo’. Chaque école de thé a sa propre configuration de la cendre. En fait, à Arima dans la préfecture de Hyogo, il y a un mont qui s’appelle « Haigatayam » (mont de configuration de la centre ». On dit que, chaque fois que Rikyu et Enshu se rendaient à Arima pour faire la cure thermale, ils contemplaient cette montagne pour concevoir de nouvelles configurations de la cendre.
L’école Enshu utilise traditionnement de la cendre humide aussi bien pour le furo que le ro. La cendre que j’utilise est héritée de longue date. Certains grains datent d’il y a 50 ans, voire de 100 ans. Chaque année, nous fabriquons de la nouvelle cendre pour maintenir la quantité de cendre nécessaire. Nous y mettons notre coeur, car chaque grain de cendre nous est cher.
Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai fait appel au ‘unryu furo’. La première est que l’utilisation de ce type de furo paraissait nécessaire pour la combinaison des ustensiles. La deuxième est que je voulais faire la configuration de la cendre ‘unryu bai’ déjà citée.
Nous faison appel très rarement à cette configuration de la cendre. Le procédé de fabrication de celle-ci est très complexe. Normalement, nous ne la présentons pas au public. Dans notre maison de thé, ce sont seulement moi-même et le secrétaire général M. Ando qui avons vu mon père Sokei faire cette configuration dans une cérémonie du thé. Il m’a paru nécessaire de transmettre cette technique aux générations futures.
De manière générale, la transmission d’une telle technique pouvait se faire, si c’était autrefois, sous forme de croquis et aujourd’hui sous forme de photos. Mais on ne trouvera son ‘truc’ qu’en tournant et retournant au sens concret de l’expression. Autrement dit, il faut avoir la sensation de la chose.
Le secrétaire général lui-même faisait cet exercice pour la première fois depuis un peu plus de dix ans et avait initialement mal à se souvenir du bon procédé. Mais au fil des exercices et des cérémonies du thé, il l’a retrouvé et la configuration qu’il fabriquait devenait de plus en plus belle. C’était une occasion unique aussi bien pour l’hôte et le personnel logistique que pour les invités.