Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
A props du mois d’avril [avril 2013]
Nous sommes enfin en avril et le printemps bat son plein.
Aucun autre peuple que le peuple japonais ne sera tant agité par la floraison des cerisiers. Cet état d’esprit semble provenir du fait que le ‘hanami’ (rituel qui consiste à faire un pique-nique sous les cerisiers pour apprécier la beauté de ces derniers) constitue pour nous un des événements marquants de cette saison et que se situent à cette périonde beaucoup de départs dans la vie tels que l’entrée à l’école ou à l’entreprise.
Ces derniers temps, certaines universités cherchent à faire débuter leur scolarité en septembre. Si ce projet se réalisait, notre position vis-à-vis du printemps changerait beaucoup. Cette évolution esquissée semble liée au fait que la scolarité commence en septembre dans la majorité des universités étrangères. Mais je remets en cause la tendance de la société japonaise à changer certaines habitudes, coutumes et jours fériés par souci d’efficience.
L’arrivée du printemps n’est pas que heureuse pour moi : je suis ennuyé par mon allergique au pollen. Depuis quelques années, je constatais quelques signes sur moi, mais cette année, tout donne à penser que j’en souffrirai beaucoup. Lorsque mes disciples viennent s’entraîner dans mon pavillon de thé, conformément à la coutume de la maison, ils contemplent d’abord le tokonoma et me saluent. Déjà, j’ai le nez qui gratte. Si j’ouvre les fenêtres pour aérer, les yeux me démangent un peu. Ceux qui sont plus touchés par ce fléau me diront que mon cas n’est rien du tout, mais c’est tout de même un ennui pour moi.
Surtout lorsque j’offre du thé à un sanctuaire shinto ou un temple bouddhiste en plein air, il n’est pas question que j’ai les larmes aux yeux, ni la goutte au nez. Pour éviter tout cela, je suis obligé de faire des efforts.
Chaque fois que je fais un déplacement, je porte un masque de protection. Mais lorsque je m’adresse à quelqu’un, je l’enlève, pensant que ce serait un acte impoli que de parler à travers le masque. Après la conversation, souvent, j’oublie de le remettre et en paie le prix... Tout mon souhait est de voir s’écouler cette saison le plus tôt possible.
Enfin, on commémorera bientôt (le 24 avril) le troisième anniversaire du décès de mon père. Mon sentiment profond est que le temps passe vraiment vite. Oui, il faut bien dire que celui-ci passe sûrement et qu’il estompe malheureusement les souvenirs. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu retracer, sous forme d’un livre, les moments passés avec mon père et les enseignements que celui-ci m’avait donnés.
Le livre s’intitule « Le dos de Kobori Sokei, mon père » (édition de Kadokawa Magazines, parution prévue pour le 24 avril). Si vous pouviez y jeter un coup d’oeil, j’en serais ravi.