Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Mon pavillon de thé [février 2013]
Comment avez-vous passé le nouvel An ? J’imagine que beaucoup de compatriotes souhaitent que l’année 2013 soit l’occasion de vaincre le climat morose dans lequel se trouve la société japonaise.
Lors des premières cérémonies du thé de l’année qui ont commencé le 10 janvier, j’ai fait en sorte que les matériels de thé et le cadre des cérémonies correspondent à ces voeux.
Le thème de poème donné par la Maison impériale pour cette année est « se lever ». Je pense que ce thème correspond bien à notre souhait de franchir une nouvelle étape.
Un coup d’oeil jeté sur le recueil de poèmes du père fondateur Kobori Enshu nous permet de constater que celui-ci utilisait souvent ce thème. Ainsi, il fit deux poèmes majeurs comprenant le mot « se lever » utilisé dans le sens de l’ « arrivée du printemps ».
L’un fut écrit en 1629 ou Kanëi 5 (année japonaise), alors qu’ Enshu atteignait l’âge de 50 ans. Dans ce poème, l’auteur réaffirmait sa volonté de continuer d’assumer les hautes responsabilités politiques qui étaient les siennes dont le haut commissaire de Fushimi.
L’autre fut rédigé à Arima. Vu le contenu du poème, on comprend que le nouvel An à l’occaision duquel celui-ci a été écrit coïncidait avec l’arrivée du printemps. On peut en déduire qu’il a été préparé en 1637 ou Kanëi 13. L’auteur a exprimé son plaisir d’assister à ces deux événements. Ce poème sera conservé sous forme de Kakemono.
Kanëi 13 était une année très importante pour Enshu : il organisa à Kurotani une cérémonie commémorative du 33e anniversaire de la disparition de son père Shinsuke ; il accompagna le troisième Shogun Iemitsu à Niko à l’occasion du jour anniversaire du décès d’Ieyasu, père fondateur du Gouvernement de Tokugawa ; à l’occasion de cette tournée, Iemitsu lui demande de construire un pavillon de thé à Shinagawa ; le 21 mai, lors de la cérémonie d’achèvement du pavillon, Enshu offira du thé à Iemitsu. Ces prestations lui ont valu d’être nommé professeur de thé auprès du troisième Shogun et d’acquérir un statut de meilleur maître de thé. Enshu avait alors 58 ans et son fils aîné Daizen Sokei, qui servi le thé à Iemitsu, était âgé de 17 ans.
Comme par hasard, j’atteints l’âge de 58 ans et mon fils aîné 17 ans. Et cette année, je commémorerai le 3e anniversaire de la disparition de mon père Koshin Sokei. Cette coïncidence m’apparaît comme symbolique des liens qui unissent le père fondateur Enshu et moi-même.
Mon poème du nouvel An a été fait dans les circonstances suivantes : lors de la cérémonie du thé organisée à l’occasion du nouvel An, je prenais du thé léger dans mon salon de thé Taichakutei ; des rayons de soleil doux éclairaient le kakemono que j’ai évoqué ci-haut et de la vapeur montait de la bouilloire ; c’est alors que j’ai eu le poème suivant.
« Des rayons de soleil doux éclairent mon pavillon où la bouilloire exhale de la vapeur »