Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
Les Jeux olympiques Ⅱ
Lorsque la chaleur assomante commence à s’a paiser et que nous ressentons les approches de l’automne, dans la cérémonie du thé, le ‘furo’ est déplacé vers la droite, plus proche des visiteurs (1). Ce ce qu’on appelle la « saison de la nostalgie de l’été ».
Cette année, chez moi, les fleurs de mon jardin fleurissent différemment que les autres années. Ceci est peut-être dû à la quantité des précipitations durant la saison des pluies et à la chaleur caniculaire de cet été. Et j’ai l’impression que les insectes qui naissent à l’automne ont commencé à chanter avec un peu de retard.
Effectivemnt, dans mon jardin, les ‘suzumushi’ dont le chant devait me faire plaisir sont venus tardivement. D’habitude, à cette saison, lorsque mes disciples s’entrainement dans mon pavillon de thé, je pose quelque part une cage contenant des ‘suzumushi’ pour leur faire plaisir. Une fois, un débutant en cérémonie du thé m’a demandé : « Est-ce une cassette ? » J’ai répondu en souriant «Ce serait manquer de goût ! »
Comme je l’ai écrit dans la colonne précédente, les J.O. de Londres ont emthousiasé nos compatriotes. C’est pour une bonne partie grâce aux succès de beaucoup de nos athlètes.
Au moment où j’ai rédigé mon journal du mois dernier, les Jeux débutaient tout juste, mais déjà, nos sportifs, à l’issue de leurs épreuves, faisaient tous des commentaires extraordinaires. Evidemment, ils exprimaient soit leur joie, soit leur déception. Mais ce qui était remarquable, c’était qu’ils montraient tous leur gratitude envers les personnes qui les ont soutenus par leurs propos et leur expression.
Cette tendance était particulièrement prononcée chez nos nageurs. Les remerciements qu’ils ont présentés de manière naturelle ont forcé mon admiration. Et j’ai le sentiment que leurs entraineurs leur donnent quotidiennement, au delà de la formation sportive à proprement parler, de bonnes leçons de ligne de conduite.
Dire bonjour, remercier ou parler en regardant dans les yeux de l’autre ne s’apprend pas du jour au lendemain. Il faut qu’on s’y fasse.
Parmi les commentaires des athlètes japonais, deux m’ont particulièrement impressionnés. Le premier a été fait par le nageur Irie qui l’a fait juste après avoir eu une médaille d’argent : « En natation, mes vingt-sept camarades font en quelque sorte un relais dès le premier jour. Ce relais ne finit que lorsque le dernier nageur de la dernière épreuve touche le but » L’autre commentaire a été fourni par le boxeur Murata qui a eu une médaille d’or : «Ce n’est pas ce résultat qui importe, mais ce qui est important, c’est la manière dont j’affronterai ma vie après »
Ce sont des commentaires qu’on ne peut pas faire par boutade. Ils supposent que ceux qui les font ont un oeil réaliste sur eux-mêmes et une reconnaissance et une attention particulière pour les autres.
P.-S. Le défilé des médaillés pour célébrer leur rentrée triomphale, organisé à Ginza, était extraordinaire, réunissant cinq cent mille spectateurs. Je n’avais jamais vu un spectacle aussi chaleureux. Celui-ci montrait la nature de ce à quoi nos compatriotes aspirent.
Nota 1) A la période estivale, le ‘furo’ (la bouilloire posée au niveau des tatami) est placé à gauche de celui qui prépare le thé, à un endroit opposé à la place des visiteurs, pour que la chaleur émise par lui n’atteige pas ces derniers. Mais à l’automne, le ‘furo’ est déplacé vers le milieu de la salle, entre celui qui prépare le thé et les visiteurs afin que ces derniers puissent bénéficier de la chaleur.