Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
New York et Washington D.C
Il ne nous reste que quelques semaines avant la clôture de l’année. Le Japon ne sort toujours pas de sa crise économique, mais j’ai l’impression que son peuple commence à trouver des moyens pour survivre. La situation politique ayant complètement changé, une petite lueur d’espoir semble apparaître dans ce climat d’incertitude.
En ce qui me concerne, j’ai eu plus de déplacements qu’auparavant et, surtout depuis le mois de septembre, j’ai eu rarement l’occasion de me reposer chez moi. Mes activités officielles se multipliant ces derniers temps, j’ai moins de temps à consacrer à mon propre métier de ‘chajin’ (celui qui pratique l’art de la préparation du thé). Mais je me dis : « C’est une épreuve à surmonter ».
J’ai visité New York et Washington D.C du 21 au 28 octobre dernier pour participer à une série d’échanges culturels qui se sont déroulés avec beaucoup de succès. Ceux qui s’intéressent aux modalités de cette manifestation culturelles sont priés de se référer à d’autres articles. Je voudrais tout de même évoquer ici deux choses.
La première manifestation à laquelle j’ai participé était un symposium sur les samouraïs japonais qui s’est déroulé à la Japan Society. A cette occasion, j’ai fait une démonstration de cérémonie du thé. Le lendemain, j’ai eu l’honneur de servir du thé au temple zen Shoboji situé à New York.
J’ai noué des liens avec Eido Shimano Roshi de ce temps Shoboji il y a vingt ans par l’intermédiaire du vénérable feu Koin Takada du temple Yakushiji. Nos relations se sont approfondies depuis que mon père Koshin a eu le privilège de présider une cérémonie du thé à l’occasion du vernissage de la Japan Gallery au Metropolitan Museum of Art et, également, au Dai Bosatsu Zen-do (monastère) dans les Catskills de New York. Lorsque j’ai donné cette cérémonie du thé, j’ai emprunté un service d’étagères de thé, appelé ‘Daisu’, en fait, celui que mon père avait donné à ce monastère. J’ai considéré cette rencontre comme quelque chose de réalisé grâce au Buddha et, en servant du thé, j’étais très ému.
Eido Shimano Roshi est venu aux Etats-Unis avec son épouse vers 1958 pour la mission. A l’époque, la position des Japonais dans la société américaine étant très faible à la différence de celle d’aujourd’hui, je suppose que Roshi a dû avoir beaucoup de peine à conduire sa mission. A cet égard, la cérémonie du thé donnée devant Roshi était très significative.
A Washington D.C, avant de présider une cérémonie du thé à la résidence de l’ambassadeur du Japon, j’ai visité la salle de thé dite ‘Ippaku-tei’, située dans le jardin de cette résidence. Cette ‘Ippaku, qui vient du caractère chinois « cent », a été construite dans le cadre de la célébration du centenaire du traité d’amitié et de commerce nippo-américain. Et c’est M. Nahiko Emori qui a fait le plan de cette salle.
Depuis ma prime enfance, je voyais souvent M. Emori à l’occasion de cérémonies du thé organisées par l’Ecole Enshu Sado. Il a embrassé une carrière de critique de l’art du thé, il était également un invité assidu des cérémonies du thé de mon père. Lorsque, après avoir fait mes études universitaires et fait un séjour de zen, je suis retourné chez moi pour m’entraîner à l’art du thé, M. Emori m’amenait souvent à des cérémonies du thé organisées par ci par là. Et cette situation a duré deux ou trois ans. A l’époque, j’entendais parler déjà de cette ‘Ippaku-tei’. Quand j’ai vu celle-ci pour la première fois, j’ai eu le sentiment que c’était comme si je voyais M. Emori lui-même.
La salle de thé était bien conservée, mais n’avait pas l’air d’être souvent utilisée. J’ai pensé qu’il vaudrait mieux faire valoir cette salle qui incarne la culture japonaise traditionnelle.
Que puis-je souhaiter pour l’année prochaine ? En tout cas, je n’ai qu’à faire mon travail assidûment.