La préparation et le retour d’expérience

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

La préparation et le retour d’expérience

La rosée du matin embellissant la verdure, l’affirmation de l’automne se fait sentir ces derniers temps. Mon agenda de l’automne est bourré de déplacements et de manifestations aussi bien à l’intérieur et à l’extérieur du Japon et, du coup, je travaille à un rythme trépidant.

Lorsqu’il s’agit d’une manifestation, quelle qu’en soit l’importance, la phase de préparation est parfois aussi ou plus cruciale que celle d’exécution. Selon un des enseignements de Rikyû (1), « Il faut se parer contre la pluie même s’il ne pleut pas », ce qui nous invite à ne pas lésiner sur nos efforts de préparation.

La préparation veut dire, lorsqu’il s’agit d’une cérémonie du thé, non seulement celle des matériels, le nettoyage des lieux ou la mise en ordre de la salle de thé, mais aussi la préparation morale, c’est-à-dire le « cœur ». Celui-ci devient tranquille lorsqu’on a ce que les ‘chajin’ (les personnes pratiquant l’art de thé) d’autrefois appelaient la « conviction ». Toutes les attentions que l’hôte prête à ses invités, les actes qu’il fait et les paroles qu’il prononce pendant la cérémonie du thé doivent être dictés par cette conviction. Murata Jukô (2) écrivait dans ses « dix enseignements que les ‘chajin’ doivent retenir » : (1)- il faut traiter les nobles comme des gens de basse origine et traiter ceux-ci comme ceux-là ;(2)- les ‘chajin’ doivent être prêts à donner une cérémonie du thé à tout moment et avoir des prévenances pour les matériels et les gens ; (3)- la mise en ordre des matériels de thé et de la salle de thé est symbolique de la pureté du cœur de l’hôte. Ces trois enseignements trahissent en quelque sorte les fautes que nous risquons de commettre.

Le moine Takuan Sôhô (3) écrvait des choses identiques dans ses enseignements de thé : « il faut réserver un accueil neutre aux nobles et un accueil chaleureux aux petites gens ». Kobori Enshû faisait la sienne l’idée de « Wakôdôjin », lancée par le penseur chinois Lao-tseu (4) selon laquelle les personnes intelligentes et instruites doivent fréquenter les petites gens en se cachant toutes leurs qualités.

Revenons à nos moutons. Dans une cérémonie du thé, en plus de la préparation, le retour d’expérience est également important. Trop fatigués de la préparation et de l’exécution, Il nous arrive parfois de ne pas y penser. Un dicton japonais dit effectivement: « on oublie facilement les épreuves passées ». Que ce soit une réussite ou un échec, il me semble important de réfléchir sur ce qu’on a fait dans l’épreuve. Ceci nous aidera pour l’avenir.

Il ne nous reste que quelque temps avant la fin de l’année. J’espère pouvoir faire
aussi bien la préparation que le retour d’expérience.

Nota 1) Rikyû est le fondateur de l’Ecole de thé Senke
Nota 2) Murata Jukô est le pionnier du Sadô.
Nota 3) Takuan Sôhô est un moine du dix-septième siècle et érudit en art de thé. Il a été directeur du temple Zen « Daitokuji ».
Nota 4) Lao-tseu est le fondateur du taôisme.