Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
La nostalgie du ‘ro’[mois de avril 2020]
Dans les milieux de l’art de thé, lorsqu’arrive le mois d’avril qui se caractérise par la nostalgie du ‘ro’, le paysage du salon de thé change un petit peu. C’est que l’on a tendance à utiliser une bouilloire de type ‘sukigi’ en particulier dans une petite pièce. Comme vous le savez très bien, une bouilloire de ce type est plate et ses ailes couvrent parfaitement le ‘ro’, empêchant la chaleur du ‘ro’ de partir.
Mais, si le ‘ro’ était hermétiquement fermé, le feu pourrait difficilement prendre. Donc, on pratique un interstice entre le ‘ro’ et les ailes en y intercalant une plaque de bois mince afin qu’il y ait du courant d’air. Ceci est une invention de nos pionniers. De manière générale, cette plaque de bois est de paulownia et a une forme de claquette. Mais à l’école Enshû, nous utilisons non seulement du paulownia, mais aussi du kaki et mûrier. Nos plaques sont rectangles à l’instar de celles des autres écoles de thé, mais elles ont une courbure douce sur leur partie supérieure. Ceci vient de notre esprit d’« élégance sobre ».
Dans un grand salon de thé, on utilise plutôt une bouilloire pendue. Dans ce cas, la quantité de cendre qu’on met dans le ‘ro’ est moins importante que d’habitude. Lorsqu’on fait chauffer de l’eau, on descend la bouilloire à proximité des charbons. Et, au moment où l’on sert du thé, on règle la hauteur de la bouilloire. Il est intéressant de constater que ces deux types de bouilloires (celle de sukigi et celle pendue) complètement opposés l’un à l’autre en termes de conception furent inventés par nos pionniers. Parmi les chaines que notre école possède, il y en a une qui fut réalisée à l’époque de la dynastie Ming. Elle enchaine des émaux et donne des éclats à la cérémonie du thé.
J’ai dit tout à l’heure qu’on ne se sert pas de bouilloire pendue dans un petit salon de thé, mais cela quand il s’agit d’une cérémonie du thé de type ‘daigiri’. Mais, dans une pièce de quatre et demi de tatamis, on peut aussi bien utiliser une bouilloire de type sukigi qu’une bouilloire pendue. Dans ce denier cas, il convient, me semble-t-il, qu’on met un crochet de bambou qui donne une sensation de ‘wabi’.
Vous voyez donc que la cérémonie du thé de la période de la nostalgie du ‘ro’ est pleine d’inventions qu’on peut attribue à nos pionniers. Je vous invite à y songer lorsque vous servez du thé à cette période.
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De nombreux événements ont été annulés à travers le pays à cause de la propagation du nouveau coronavirus. Notre école a dû annuler avec beaucoup de regret, tout en sachant combien cette décision dérangerait les intéressés, sa plus grande manifestation qu’est la cérémonie du thé en plein air à la mémoire de Kobori Enshû. Je vous demande votre compréhension pour cette décision douloureuse.