Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
A l’aube[mois de février 2020]
Je vous présente tous mes vœux de bonheur et de prospérité pour l’année Reiwa 2 (2020).
A la suite du changement d’ère en mai dernier avec l’intronisation du nouvel empereur, nous avons passé le premier nouvel an de l’ère Reiwa. Les premiers trois jours sacrés de janvier ont été cléments et la nouvelle année semblait avoir commencé calmement. Dans le domaine sportif, le rugby et la course de relais sur route nous ont enthousiasmés.
Chez moi, la préparation des activités liées au nouvel an commence à partir du 20 décembre. D’abord le changement de tatamis. Un groupe de cinq à six artisans met environ cinq jours pour la remise à neuf. Ces jours-ci, les artisans de tatamis ont un problème de vieillissement et de manque de successeurs, ce qui nous préoccupe beaucoup. Je souhaite vivement que, au-delà de la préservation des cultures traditionnelles majeures, le gouvernement prenne des mesures destinées à assurer la succession de ceux qui appuient ces dernières à la base. Au cinquième jour, une fois le travail achevé, le responsable du groupe et moi-même vérifie celui-ci. Si les deux parties sont unanimes à constater la présence d’un défaut, le travail recommence. L’année dernière, quelques tatamis ont dû être refaits, ce qui est assez rare. Initialement, ces hommes devaient terminer leur journée à 17 heures, mais ils ont dû rester jusqu’à 20 heures. C’est dire qu’ils ont fait preuve de professionnalisme.
A la même période, nous faisons appel à des jardiniers pour embellir le jardin. Et toute ma famille se met à faire un grand ménage de notre maison. Il appartient à moi et à mon fils Shota de faire un nettoyage de l’autel où sont honorés les maitres successifs de notre école de thé. Le 29 décembre, je vais chez un fleuriste avec mes deux filles et mon fils pour acheter des fleurs qui décoreront le tokonoma du nouvel an. Dans notre jardin, il y a des camélias qui poussent, mais nous en achetons à titre de réserve. Ces dernières années, il m’arrive de laisser à mon fils le soin de choisir des fleurs. Le lendemain, nous mettons du mochi (pâte de riz cuit à la vapeur et passé au pilon) dans le tokonoma de chaque pièce et décorons la devanture de la maison d’une manière propre à notre école. Entre-temps, les membres féminins de ma famille préparent les plats pour le nouvel an. Dès le matin du jour de réveillon, cette préparation entre dans sa dernière phase. Je commence à préparer la cérémonie du thé du réveillon. A midi, nous prenons des soba (nouilles de sarrasin) et, dans l’après-midi, nous nous préparons à accueillir des invités. Le gâteau à leur offrir est sobagaki (gâteau de soba). C’est à mon fils Shota de le préparer.
Une fois la cérémonie du thé du réveillon achevée, nous préparons la décoration du tokonoma. A minuit, nous offrons du thé à nos ancêtres et, après avoir lu des textes bouddhiques, nous procédons à la première cérémonie du thé pour souhaiter le bonheur. C’est moi-même qui offre du thé à chacun des membres de ma famille. Par la suite, ceux-ci vont au lit, sauf Shota et moi-même qui rangeons les matériels de thé. Après un bref sommeil, vers 7 heures, nous mettons de nouveau des charbons dans le foyer. Et après le traditionnel petit-déjeuner, nous prenons tous du thé du nouvel an.
Tous ces actes que je viens de décrire s’inscrivent dans la tradition de notre école et resterons inchangés dans l’ère Reiwa.