Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
En souvenir de M. Seizo Hayashiya[Juillet 2017]
Le premier semestre de l’année 2017 s’étant écoulé, on assiste déjà au début du deuxième semestre. Cette année, j’apprends la disparition d’un nombre de personnes liées à l’art de thé. Le décès de M. Seizo Hayashiya, historien des poteries et des porcelaines m’a particulièrement frappé.
J’ai eu la nouvelle de sa disparition lorsque je préparais, le 1er avril dernier chez moi, la cérémonie de remise de diplômes prévue pour le lendemain. A cette nouvelle, j’ai eu un sentiment complexe : je me suis dit à la fois que ce à quoi on s’attendait est arrivé, mais qu’il m’est difficile d’accepter cette perte.
En fait, deux semaines avant sa disparition, j’avais vu M. Hayashiya. Je savais que son état de santé se dégradait petit à petit depuis l’an dernier, mais qu’il travaillait à un rythme accéléré. Lorsque je lui ai demandé de soigner sa santé en diminuant son volume de travail, il m’a répondu en souriant: ‘Oui, je le sais, mais c’est difficile de le faire. Vous êtes dans mon cas, n’est-ce pas ?’
Antérieurement à cette dernière rencontre, M. Hayashiya m’avait fait l’honneur d’assister, comme chaque année, à la première cérémonie du thé de l’année. Il avait l’air d’apprécier particulièrement la calligraphie ‘hougejaku’ faite par le moine Kougetsu et le vase de bambou vert fait par moi-même. Il avait certes maigri, mais il se comportait comme d’habitude. Par la suite, comme il s’est décommandé pour deux cérémonies du thé, celle de Tenjinkai et celle d’Enshû, je commençais à m’inquiéter pour son état de santé. Plus tard, j’ai appris qu’il était hospitalisé.
Entretemps, à la mi-mars, j’ai vu à Tokyo Mme Taka Akanuma, spécialiste des poteries et des porcelaines. Celle-ci m’a dit que M. Hayashiya pensait à la commémoration de mon feu père prévue pour le 24 avril et qu’il se soignait désormais chez lui. A cette période-là, j’étais très débordé, mais je voulais le voir et lui servir du thé en pensant qu’il ne pouvait peut-être pas avoir l’occasion d’assister à quelconque cérémonie du thé en raison de son indisposition. Le 16 mars au soir, j’ai visité sa maison, accompagné par ma fille ainée Akiko.
M. Hayashiya était le meilleur ami de mon feu père à travers l’art de thé. Et par-là même, il traitait mes deux filles et moi-même de manière très affectueuse. Quand il voyait mes deux filles, il les appelait par leurs diminutifs respectifs avec un œil attendri.
Je n’avais pas d’idée précise de l’état de santé de M. Hayashiya. Mais, comme je voulais lui offrir du thé, j’ai vite choisi des matériels de thé dont j’ai pensé qu’ils lui plairaient.
J’arrive chez lui et je le trouve alité. Il dit qu’il est moralement en bonne santé, mais que les forces physiques lui manquent. En poursuivant notre conversation, il commence à parler normalement. Je lui propose de boire du thé. Lorsque je sors de ma boite un bol à thé, malgré la pénombre qui régnait dans la pièce et la distance qui séparait ma position et la sienne, M. Hayashiya a tout de suite identifié le bol en disant : ‘C’est un excellent Katade’. Je me suis resté admiratif. Après avoir gouté la moitié du gâteau que j’avais préparé et le thé que je lui avais offert, il m’a dit en souriant : ‘Votre thé est toujours excellent’. Après, je lui ai offert de l’eau chaude dans un bol de porcelaine de type Shonzui.
Juste avant que nous ne nous fussions quittés, M. Hayashiya m’a dit : ‘Ce sera difficile que j’assite au colloque public du 26, mais la prochaine exposition de matériels de thé sera très intéressante’. Ainsi, il souhaitait voir celle-ci. Je lui dis : ‘Je reviendrai’. Il dit à la fin : ‘Eh bien, tout devient un peu difficile’. J’étais un peu ému. En fait, ce fut notre dernière rencontre.
J’ai encore beaucoup à écrire sur lui, mais je m’arrête pour l’instant. Vraiment, M. Hayashiya fut une personnalité hors pair.