Etre et ne pas être[Octobre 2016]

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

Etre et ne pas être[Octobre 2016]

Nous sommes à une période où nous avons la nostalgie de la saison passée. L’ambiance de votre salon de thé doit avoir changé par rapport à celle de l’été. Le mois d’octobre a un autre nom, kannazuki qui devrait vouloir dire « le mois où les divinités ne sont pas là ». Mais dans la région d’Izumo, on appelle le mois d’octobre kamiarizuki qui devrait vouloir dire « le mois où les divinités sont là ». Cette appellation provient d’une légende selon laquelle toutes les divinités du Japon se réunissent à Izumo en octobre pour discuter des affaires de l’année. En effet, on retrouve l’inscription kamiarizuki sur une cuiller de bambou faite par Matsudaira Fumai, seigneur et praticien de thé.

Mais il existe une thèse qui renverse tout ce que je viens de dire. Selon elle, kannazuki pourrait vouloir dire « le mois des divinités ». Nous sommes devant cette complexité qui caractérise la langue japonaise. Etre et ne pas être sont deux notions qui sont en complète opposition l’une avec l’autre. Mais, à côté d’un des enseignements du Zen selon lequel « Rien n’est », il existe un kakemono fait par le 8e grand maitre de l’école Enshû, Sôchû, sur lequel on retrouve la calligraphie « Tout est ». Comment interpréter cela ?

Depuis longtemps, je posais souvent ce kakemono et réfléchissais sur la signification de la calligraphie. Aujourd’hui, je commence à comprendre un peu. C’est que l’important n’est pas de savoir comment interpréter, mais que je m’asseye sereinement devant ce kakemono et que je le salue. J’ai l’impression qu’il me dit « Essayer de savoir si tout est ou rien n’est ne permettra pas d’atteindre la Vérité ».

Au Japon, il y a des notions qui peuvent avoir chacune des significations opposées. C’est ainsi que, souvent, nous ne pouvons pas trancher telle ou telle question par un simple oui ou non. Cela dépend de l’état d’esprit de chacun. Trancher entre « bon et mauvais » ou entre « bien et mal » est une conception européenne. La manière traditionnelle japonaise consiste en un va et vient entre les deux. J’ai déjà exprimé cette pensée dans un entrefilet de mon dernier livre « Les cinq sens du Japon ». Je pense que la conception que je viens d’évoquer est importante pour étudier le passé de notre pays et réfléchir sur son avenir.

Enfin, j’ai été impressionné par les succès des athlètes japonais lors des jeux Olympiques d’été de Rio (au moment où j’écrivais cet article, les jeux paralympiques ne débutait pas encore). A certains moments, j’étais ému jusqu’aux larmes. Je ne pouvais qu’admirer les athlètes eux-mêmes bien sûr, mais également leurs entraineurs et leurs familles qui les avaient soutenus.