En arrangeant les fleurs

Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado

En arrangeant les fleurs

En ce début d’été, la verdure des arbres qui se dressent aux alentours du pavillon de thé « Jôshuan » s’embellit davantage et rafraîchit notre corps et l’esprit. Si l’on regarde vers le bas, les mousses de terre et d’écorce vont de même. Dans ce moment de contemplation, il suffit qu’une brise s’introduise entre cette nature et nous pour que nous puissions sentir l’arrivée de l’été. Nous devons préserver éternellement cette capacité à sentir l’évolution des saisons.

Ces derniers temps, je suis souvent saisi de questions ou de demandes de renseignement sur l’arrangement des fleurs pour la cérémonie du thé. En la matière, mon père était donné pour un grand maître. Lorsque je voyais mon père faire un arrangement floral, je ne regardais ni sa technique, ni son sens esthétique. Doué pour divers domaines culturels, notamment pour la peinture et la calligraphie, mon père, lorsqu’il avait à traiter des fleurs, ne pensait pas ‘bien faire’, mais essayait tout simplement de transmettre son esprit aux fleurs, du moins, c’est ce que je constatais à travers ses séances florales.

En ce qui me concerne, je conçois l’arrangement des fleurs de la manière suivante. A part l’hôte et les invités, les fleurs posées dans le Tokonoma sont les seules existences animées dans le pavillon de thé. Il me paraît important que nous nous considérions comme ‘dépositaire’ de la vie des fleurs et que, avec la reconnaissance que nous devons à la nature, nous les arrangions.

Je crois sincèrement que ce rapport « confier et être dépositaire » est quelque chose d’extrênement important dans notre vie. On y voit tout le contraire de l’égoisme humain.

C’est là qu’apparaît la limpidité ou la pureté. Lorsque je traite des fleurs, je pense essentiellement à ces choses-là. Et je suis convaincu que celles-ci rejoignent cette idée de « beauté dans la sobriété », quintessence de l’Enshu Sado. Je me suis référé aux fleurs pour parler de la vie humaine.


Postface)

En souvenir de Monsieur Shonosuke Toda.

Le 24 avril dernier était le premier anniversaire de mon père, Koshin Sokei. Deux jours avant l’anniversaire, la réunion à la mémoire de mon père s’est déroulée au temple Kotoku-ji en présence de nombreux représentants des fédérations de l’Ecole Enshu.

Et le 24 au soir, Monsieur Shonosuke Toda, un grand négociant des oeuvres d’art de la région d’Osaka, est décédé. M. Shonosuke Toda était très lié à mon père à travers le chanoyu. Avec M. Seizo Hayashiya, ces trois grands culturels avaient l’air très heureux en se côtoyant.

Surtout ces dernières vingt années, approfondissant leur érudition, ils tenaient des conversations extrênement intéressantes et profondes. J’ai tiré beaucoup d’enseignements de ces conversations que j’ai pu entendre en me servant d’assistant à mon père.

Depuis que j’avais rencontré M. Toda pour la première fois, celui-ci n’a pratiquement changé, gardant toujours son chic.

Je souhaite de tout mon coeur le repos de son âme. Je pense qu’il est tout heureux de revoir mon père au paradis.