Le journal du grand Maître de thé
par KOBORI Sojitsu,
treizième grand Maître de l’Ecole Enshu Sado
La saison des pluies[mois de septembre 2019]
Cette année, la saison des pluies aura été plus longue que d’habitude. L’humidité nous plonge dans une sorte de mélancolie, mais elle a une vertu, celle qui consiste à favoriser la croissance des produits agricoles.
Il existe un art lié au chanoyu, okô (encens japonais). On dit depuis longtemps que la saison des pluies est particulièrement propice à cet art. La raison en est qu’on sent mieux le parfum de l’encens qu’à des périodes où il fait sec. Compte tenu de ce constat, nous avons organisé en juin dernier une séance d’ ‘écoute’ de l’okô (On dit ‘écouter’ plutôt que sentir).
Le père fondateur Enshû s’y connaissait en okô et s’inspirait de ce dernier dans la conception d’un type de formation de charbons. Et il inscrivait l’okô comme une des options de la cérémonie « hanaougi » (type de cérémonie du thé où les invités tirent au sort pour s’attribuer un rôle à jouer), ce qui permettait l’enrichissement de l’Enshû Sadô. Avant la naissance de l’art de thé dit « wabi », régnait l’élégance incarnée par la dynastie Heian. Le père fondateur a adopté cette élégance comme un des éléments de son art.
Il y a trois bois d’okô que le fondateur Enshû a soit possédés, soit baptisés : « hatsune », «asamidori » et « asukagawa ». Ils font toujours partie de la collection de notre maison. Parfois, j’écoute ces bois. A ce moment-là, je suis comme extasié.
Revenons à notre séance d’écoute de l’okô. C’est le patron de la maison Yamadamatsu lui-même qui a apporté des bois d’okô et mes disciples se sont répartis en deux groupes pour participer à cette séance. Je ne dévoilerai pas le résultat de cette compétition, mais toutes celles et tous ceux qui y ont joué avaient l’air fort content.
Mon père m’a appris sur l’okô. Ce qui était utile pour moi, c’est qu’au-delà de l’exercice de discernement des parfums de bois à proprement parler, cela m’a permis de renforcer ma concentration, ma pénétration des choses et mon attention. Je pense que l’okô joue un rôle déterminant dans ma façon d’enseigner le chanoyu.
Lorsque la saison des pluies arrive, je me plais à me rappeler les leçons que mon père m’a données sur l’okô. Une de ces dernières est que cet art contribue à purifier notre cœur et à faire défaire notre mélancolie.